But de la décision de préemption : Projets relevant du droit de préemption
L’article 300-1 du code de l’urbanisme est assez général pour permettre la préemption pour des projets très variés. Les buts suivant ont donc été admis.
La mise en œuvre d’une politique de lutte contre l’habitat insalubre et la paupérisation des copropriétés (CAA Versailles, 14 mars 2019, commune de Villiers-le-Bel, req. n° 17VE03014) ;
La réalisation d’un cheminement piétonnier : « Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l’étude pour la redynamisation du centre-ville réalisée le 2 mai 2011 par un bureau d’études pour le compte de la commune de La Croix Saint-Ouen ainsi que du rapport du commissaire enquêteur sur la modification n° 6 du plan local d’urbanisme rédigé en juin 2015, que le projet justifiant l’exercice du droit de préemption urbain sur les parcelles cadastrées AD n° 129 et n° 130 consiste en la réalisation d’un cheminement piétonnier destiné à assurer une liaison entre la mairie et l’église. Il ressort également des pièces du dossier que l’opération en litige s’inscrit dans le cadre du réaménagement du centre-ville de La Croix Saint-Ouen et que la commune a déjà, dans cette optique, mis en oeuvre un certain nombre de projets tel l’aménagement d’un manège à chevaux, voisin de la mairie, en salle polyvalente et la création d’une nouvelle place contemporaine devant la mairie, rue Carnot. La modification n° 6 du plan local d’urbanisme a confirmé la création d’un emplacement réservé de 320 m² pour la réalisation de la liaison entre la mairie et l’église. Un tel projet de cheminement piétonnier destiné à relier deux espaces publics communaux correspond à un projet urbain et de renouvellement urbain qui est au nombre des opérations susceptibles de donner lieu à la mise en oeuvre d’une décision de préemption » (CAA Douai, 7 février 2019, commune de La Croix Saint-Ouen, req. n° 17DA02261) ;
L’extension des activités économique d’une entreprise voisine du bien préempté. La juridiction fait ainsi application d’une jurisprudence rare et contestée (CE, 6 février 2006, commune de Lamotte-Beuvron, req. n° 266821, publié au recueil) qui permet de préempter au bénéfice final d’une personne privée dans le cadre de son activité économique. Cette hypothèse ne trouve à s’appliquer que dans des hypothèses ou l’activité économique de l’entreprise bénéficiaire est suffisamment importante pour l’économie locale : « En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la société Vitrobio Naturveda, qui depuis 1994 fabrique et distribue des produits pharmaceutiques, est implantée depuis 2001 sur les parcelles cadastrées section ZL n° 295 et 316, cette dernière jouxtant la parcelle n° 361, dont la préemption est en litige. Elle a vu son chiffre d’affaire fortement progresser depuis 2011 et emploie en 2015 au moins neuf salariés en contrat à durée indéterminée et, de façon occasionnelle, des salariés handicapés dépendants d’un centre d’aide par le travail. Par un courriel du 22 octobre 2015, le conseil de la société Vitrobio Naturveda a proposé au gérant de la SCI Sud Avenir Immobilier d’acquérir pour un prix de 250 000 euros, à parfaire après expertise immobilière, la parcelle en litige mise en vente au prix de 480 000 euros, pour lui permettre de disposer d’un bâtiment pour le stockage de sa production, offre repoussée le lendemain au motif de la signature du compromis de vente pour un montant de 360 000 euros avec la SCI de la Zone Industrielle de Montplain, qui est intervenu le 30 octobre 2015. En outre, les parcelles n° 295 et 316 susmentionnées, qui accueillent les installations de la société Vitrobio Naturveda, sont situées en totalité en zone inondable d’aléa fort au plan de prévention des risques d’inondation (PPRi) Couze-Pavin et Allier, et en majeure partie au plan en cours de révision, dans laquelle aucune extension des constructions existantes n’est autorisée. Par suite, à la date du 1er février 2016 de la décision en litige, la communauté de communes Issoire-Communauté justifiait d’un projet en vue d’organiser le maintien et l’extension d’une activité économique, au sens des dispositions précitées à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme. En deuxième lieu, compte-tenu de ce qui vient d’être dit, le développement de l’activité de la société Vitrobio Naturveda étant conditionné par la disposition d’une capacité d’extension de ses locaux, notamment de stockage, sur la parcelle n° 361 préemptée qui est bâtie et jouxte ses installations, la décision en litige est justifiée par un intérêt général suffisant. Par suite, les circonstances qu’un permis de construire a toutefois pu été délivré le 8 août 2016 à la société Vitrobio Naturveda, pour l’extension de 61 m² du laboratoire existant, sur la parcelle cadastrée section ZL n° 316 et non sur la parcelle n° 361 en cause et que l’acquéreur évincé justifierait d’un projet pouvant concourir aux objectifs poursuivis par la collectivité titulaire du droit de préemption, sont sans incidence sur la légalité de la décision de préemption » (CAA Lyon, 7 février 2019, SCI de la zone industrielle de Montplain, req. n° 18LY02156).
Benoît JORION
Avocat à la Cour d’appel de Paris
Spécialiste en droit public
Benoit Jorion