Réalité du projet. Antériorité du projet
(CE, 13 mars 2019, commune de Soisy-sous-Montmorency, req. n° 419259).
La réalité d’un projet doit nécessairement préexister à la décision de préemption. Le juge administratif apprécie en effet la légalité d’une décision administrative à la date à laquelle elle a été adoptée. Un projet élaboré postérieurement ne peut donc être pris en compte.
Mais la question se pose de l’antériorité du projet par rapport à la décision. Si le projet est trop ancien, il aura peut-être été abandonné et son invocation pourra être le prétexte à une préemption d’opportunité. Si le projet est trop récent, il pourra avoir été réalisé pour les besoins de la cause.
Une cour avait annulé une décision de préemption en reprochant au projet allégué d’avoir été élaboré postérieurement à la réception de la déclaration d’intention d’aliéner. La Cour a ainsi souhaité sanctionner un détournement de procédure qui pouvait consister, entre la réception de la vente du bien et la décision de préemption, à créer de toutes pièces un projet. Le Conseil d’Etat a sanctionné un tel raisonnement en posant que : « il appartient au juge de l’excès de pouvoir d’apprécier la réalité du projet justifiant l’exercice par la commune de son droit de préemption à la date de sa décision et non au moment où elle prend connaissance de la déclaration d’intention d’aliéner le bien considéré. En se bornant à relever qu’il ressortait de la convocation et de la séance de la commission de l’urbanisme et des travaux du conseil municipal en date du 19 février 2015 que le projet justifiant la préemption du bien mis en vente par M. D…avait été élaboré postérieurement à la connaissance par les services de la mairie de la déclaration d’aliéner ce bien, et en en déduisant que la commune ne justifiait pas de la réalité de son projet préalablement à l’exercice du droit de préemption, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit ».
Benoît JORION
Avocat à la Cour d’appel de Paris
Spécialiste en droit public
Benoit Jorion