Finalité d’intérêt général pour pouvoir exproprier
L’appréciation de l’utilité publique d’une opération conduit en principe le juge administratif à contrôler successivement l’existence d’une finalité d’intérêt général, que l’expropriant ne peut réaliser sans recourir à l’expropriation, puis que le bilan est positif. Ces trois niveaux de contrôle sont parfois rappelés. Mais ils ne le sont pas toujours.
Les opérations suivantes ont ainsi été jugées présenter un intérêt général suffisant :
La création d’une liaison 2 fois 2 voies : « les travaux déclarés d’utilité publique par le décret attaqué ont pour objet de créer un nouvel axe routier entre les villes de Toulouse et de Castres afin de réduire le temps de trajet entre ces deux villes et d’améliorer ainsi la desserte du bassin d’emploi Castres-Mazamet, de renforcer sa liaison avec l’ensemble de la métropole toulousaine, d’en conforter le développement et de faciliter l’accès aux grands équipements régionaux. Cette opération permet également d’améliorer le cadre de vie des habitants en éloignant l’itinéraire principal entre les villes de Toulouse et de Castres des zones urbanisées et de renforcer la sécurité de la circulation sur la route nationale 126. Il ressort en outre de l’évaluation socio-économique établie par le maître d’ouvrage que le projet déclaré d’utilité publique par le décret attaqué doit permettre d’atteindre ces objectifs, y compris en prenant en compte les hypothèses dégradées résultant du rapport de contre-expertise, en particulier pour l’évolution du produit intérieur brut national et de l’activité économique, pour les gains de temps réalisés grâce à l’autoroute, pour les tarifs de péage et pour prévisions de trafic. L’opération présente ainsi un intérêt général. » (CE, 5 mars 2021, commune de Bonrepos, req. n° 424323). Voir aussi : CE, 30 décembre 2021, ville de Genève, req. n° 438686).
L’aménagement d’une liaison douce destinée aux piétons et aux cyclistes : « Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que l’opération projetée a pour objet l’aménagement d’une « liaison douce » destinée aux piétons et aux cyclistes, dans la continuité d’un chemin piétonnier existant entre les lotissements des nouveaux quartiers de la commune et le centre-bourg, afin de permettre aux résidents des lotissements, en particulier aux enfants, d’accéder de façon plus sûre au centre-bourg et au groupe scolaire. Il en ressort également que si les rues des Tourettes et des Fontaines permettent un accès au bourg, elles sont dépourvues de trottoirs ou ont des trottoirs très étroits, sont très passantes et peu adaptées à un cheminement sécurisé des piétons, en particulier des enfants. A… en ressort enfin que l’emprise de l’expropriation porte sur une bande de terrain d’une superficie de 188 m² sur les 1 700 m² que compte la parcelle des propriétaires, et que cette bande de terrain est en friche et présente des murs d’enceintes en partie écroulés. Après avoir relevé ces divers éléments par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, la cour n’a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant, d’une part, que l’opération projetée répond à une finalité d’intérêt général et, d’autre part, que les atteintes à la propriété privée qu’elle comporte ne sont pas excessives au regard des avantages attendus de l’opération » (CE, 28 octobre 2021, Préfet d’Indre et Loire, req. n° 434676).
L’aménagement d’une route et le contournement d’un bourg : « Pour écarter le moyen tiré de ce que l’opération litigieuse ne présente pas un caractère d’utilité publique, la cour a successivement relevé que le projet litigieux, qui a pour but d’améliorer la circulation ainsi que la sécurité de la route du centre du bourg de Bourdeilles, laquelle présente une fréquentation élevée, ne pouvait être réalisé sans recourir à l’expropriation pour la construction de la déviation. Elle a ensuite relevé que sa réalisation ne comporterait pas d’impact résiduel susceptible de remettre en cause la conservation des habitats et espèces du site Natura 2000, compte tenu des mesures d’atténuation des impacts, et que le maître d’ouvrage avait prévu divers aménagements de nature à limiter les nuisances sonores. Elle en a déduit que les inconvénients du projet n’apparaissaient pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’il présente et qu’ils n’étaient pas de nature à lui retirer son caractère d’utilité publique » (CE, 6 août 2021, Association Bourdeilles Environnement, req. n° 428527).
Un projet de lotissement (CAA Nancy, 8 juillet 2021, Association Niederhausbergen patrimoine, req. n° 19NC01638).
Benoît Jorion
Avocat à la Cour d’appel de Paris
Spécialiste en droit public