Absence d’indemnisation de l’intermédiaire en cas de préemption suivie d’une renonciation
La jurisprudence accepte parfois d’indemniser l’intermédiaire dans l’hypothèse où il ne peut percevoir sa commission du fait de l’intervention d’une décision de préemption.
Encore faut-il que l’absence de perception de sa commission soit la conséquence de la décision de préemption et non de la renonciation des parties à la vente. Tel est le cas dans l’hypothèse ou une décision de préemption est suivie d’une absence de saisine du juge de l’expropriation, et donc d’une rapide renonciation à préempter de la part du titulaire du droit de préemption : «7. En l’espèce, le paragraphe « Négociation » de la promesse de vente du 29 mai 2015 stipule que l’acquéreur des biens immobiliers en cause s’engage à verser à la société Ecoland, à laquelle il avait donné un mandat de négociation, une rémunération de 60 000 euros taxe sur la valeur ajoutée (TVA) incluse et précise que « Cette rémunération sera payée le jour ou la vente sera définitivement conclue ». La perception par la SARL Ecoland de la commission de 60 000 euros prévue par la promesse de vente est donc liée à la réalisation de la vente par acte authentique. Or, dès lors que le département des Côtes-d’Armor devait être regardé comme ayant renoncé aux préemptions, à compter du 26 juin 2016, faute d’avoir saisi le juge de l’expropriation pour faire fixer le prix de vente des terrains en cause, les vendeurs retrouvaient une totale liberté pour consentir une nouvelle promesse de vente ou conclure par acte authentique la vente déjà envisagée. Le seul écoulement d’une durée d’un mois et onze jours entre la date limite de validité de la promesse de vente, le 15 mai 2016, et la date à laquelle le département devait être regardé comme ayant renoncé aux préemptions ne faisait pas obstacle à la vente et en conséquence ne peut suffire à considérer que le préjudice de la requérante tenant à la perte de ses honoraires de transaction liés à la réalisation de la vente était uniquement et directement imputable à l’illégalité des décisions de préemption, alors surtout que les déclarations d’intention d’aliéner permettant d’engager la procédure de préemption n’avaient été adressées au département que le 2 mars 2016, dès lors que la caducité invoquée de la promesse n’empêchait pas la poursuite de la vente. Dans ces conditions, le préjudice tenant à la perte par la société Ecoland de sa rémunération de 60 000 euros apparaît imputable à l’absence de réalisation de la vente par les parties, alors que celles-ci en avaient la possibilité, mais est dénué de lien suffisamment direct et certain avec l’illégalité invoquée des décisions de préemption » (CAA Nantes, 18 novembre 2022, SARL Ecoland, req. n° 21NT01130).
Benoît Jorion
Avocat à la Cour d’appel de Paris
Spécialiste en droit public