Conséquence de l’annulation d’un arrêté de cessibilité sur les travaux de démolition du bien exproprié.

En cas d’annulation d’une déclaration d’utilité publique ou d’un arrêté de cessibilité, l’exproprié peut rétroactivement faire constater par le juge de l’expropriation que l’ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale et donc redevenir propriétaire de son bien (art. L. 223-2 du code de l’expropriation).

La présente affaire donne une illustration très concrète des conséquences de l’annulation d’un arrêté de cessibilité. En dépit de l’annulation de ce dernier, l’expropriant a décidé du démarrage des travaux de démolition des bâtiments expropriés.

Saisi par un référé-liberté, le juge administratif a enjoint à l’expropriant d’interrompre sans délai les travaux de démolition engagés. Après avoir retenu la condition d’urgence au regard « du caractère irréversible du dommage causé à l’ancien propriétaire », le Conseil d’État a posé, sur le terrain de l’atteinte grave et manifestement illégale, au visa de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, que : «7. La cour administrative d’appel de Marseille a annulé, par un arrêt du 22 février 2022 devenu définitif en dépit de l’introduction d’un pourvoi à son encontre, l’arrêté de cessibilité du 27 février 2017, au motif qu’il reposait sur une déclaration d’utilité publique elle-même illégale. La poursuite, postérieurement à la décision privant l’ordonnance d’expropriation de sa base légale, de travaux de démolition des bâtiments implantés sur les parcelles en cause, est de nature à rendre irréversible l’appropriation des parcelles en cause, au regard des travaux réalisés et de leur état au moment où le juge de l’expropriation saisi statuera, et à priver de son effet utile le recours de la SCI tendant à obtenir la restitution des biens expropriés devant le juge de l’expropriation. Si, comme le fait valoir l’EPA Euroméditerannée, une telle restitution ne constitue que l’une des possibilités offertes au juge de l’expropriation, il n’en demeure pas moins que la poursuite de travaux de démolition désormais privés de base légale, en interdisant de manière irréversible une restitution, priverait d’effectivité le recours engagé en ce sens. Pour ce seul motif, la poursuite de ces travaux constituerait une atteinte grave et manifestement illégale au droit au recours, comme d’ailleurs au droit de propriété, de l’intéressé » (CE, 17 juin 2022, EPA Euroméditerranée, req. n° 463341).

A noter cependant que, dans cette même affaire, l’arrêt de la cour administrative d’appel ayant annulé l’arrêté de cessibilité a ensuite été lui-même annulé par le Conseil d’État dans un arrêt du 25 juillet 2022, Le Conseil d’État a estimé en conséquence qu’il n’y avait plus lieu d’enjoindre à l’expropriant d’interrompre immédiatement tout travaux (CE, 25 août 2022, EPA Euroméditerranée, req. n° 466421).

Benoît Jorion

Avocat à la Cour d’appel de Paris

Spécialiste en droit public