Droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles
Un espace naturel sensible, par définition, ne devrait pas avoir été artificialisé par une construction. Cependant, par exception, l’article L. 215-1 du code de l’urbanisme pose que : « A titre exceptionnel, l’existence d’une construction ne fait pas obstacle à l’exercice du droit de préemption dès lors que le terrain est de dimension suffisante pour justifier son ouverture au public et qu’il est, par sa localisation, nécessaire à la mise en œuvre de la politique des espaces naturels sensibles des départements. Dans le cas où la construction acquise est conservée, elle est affectée à un usage permettant la fréquentation du public et la connaissance des milieux naturels ».
Une cour rappelle que cette exception ne permet pas de préempter n’importe quel bien bâti : « 6. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles préemptées, d’une superficie de 2 406 m² sont une propriété clôturée comprise dans un hameau et qu’elles comportent une maison de 120 m² d’emprise au sol, un garage, une cave attenante, une terrasse, un jardin et une prairie. Le hameau de quelques maisons est encerclé par une vaste zone qui appartient déjà au Conservatoire de l’espace littoral, dans la zone de préemption au titre des espaces naturels sensibles d’Omaha Beach. Si le Conservatoire du littoral soutient que la décision de préemption est motivée par le souhait de constituer une entité foncière plus importante et plus cohérente et d’éviter un morcellement foncier, ces motifs ne justifient pas de la nécessité de la préemption litigieuse au regard de l’objectif de préservation et de protection de ces parcelles au titre de la mise en œuvre de la politique des espaces naturels sensibles. S’agissant de la maison d’habitation, il ressort des pièces du dossier qu’elle est destinée à être conservée et transformée en maison des gardes, le Conservatoire faisant valoir que la localisation de cette maison au centre de l’espace naturel sensible est un avantage pour la surveillance de l’espace protégé. Toutefois un tel projet ne justifie pas davantage de la nécessité de la préemption au regard de l’objectif de protection des espaces naturels sensibles, alors en outre qu’il ressort des pièces du dossier qu’un autre local, certes moins grand et situé à Colleville-sur-Mer, est déjà affecté à cet usage » (CAA Nantes, 15 avril 2022, d’Anglejan Chatillon, req. n° 22NT01712).
Benoît Jorion
Avocat à la Cour d’appel de Paris
Spécialiste en droit public