Enquête publique en matière d’expropriation : Règles applicables à la contre-expertise indépendante
Le décret 2013-121 du 23 décembre 2013 impose, lorsque le financement du projet dépasse un certain montant et représente au moins 5% du mandat du montant total hors taxes du projet du projet investissement, la réalisation d’une contre-expertise indépendante. Il prévoit également que le rapport de contre-expertise est versé au dossier d’enquête publique.
Le Conseil d’État précise que cette obligation s’applique également en cas de modification du projet : « L’obligation de contre-expertise prévue par ces dernières dispositions trouve à s’appliquer non seulement pour un projet dont le montant de financement public dépasse les seuils ainsi fixés, mais aussi, en cas de modification d’un projet déjà autorisé, soit lorsque la modification entraîne un dépassement des seuils de financement public prévus par cette disposition, soit lorsque la modification apportée porte elle-même sur des montants supérieurs à ces seuils ».
Dans cette affaire, le Conseil d’Etat s’assure que la modification du projet a donné lieu à une nouvelle contre-expertise. Il considère cependant que le fait qu’elle n’ait pas été versée au dossier d’enquête publique a été sans incidence : « 5. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise à l’issue de cette enquête publique, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative. S’il n’est pas contesté que la contre-expertise et l’avis du secrétaire général pour l’investissement n’ont pas été versés au dossier d’enquête, il ressort des pièces du dossier que l’analyse socio-économique qui figurait dans le dossier d’enquête indiquait clairement les différentes évolutions par rapport aux projections faites initialement et tenait compte et répondait aux observations faites dans le cadre de la contre-expertise et par le secrétaire général pour l’investissement. Dans ces conditions, l’absence de la contre-expertise et de l’avis du secrétaire général pour l’investissement dans le dossier d’enquête n’a pas été de nature à nuire à l’information du public ni à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative » (CE, 22 juin 2022, Association France nature environnement, req. n° 450701, mentionné aux tables).
Benoît Jorion
Avocat à la Cour d’appel de Paris
Spécialiste en droit public