Réalité du projet poursuivi par une décision de préemption. Exemples de projets suffisamment réels

A l’inverse, les projets ont été jugés suffisamment réels dans les cas suivants :

Traitement de situation d’habitats indigne : « 7. Il ressort des termes de la décision attaquée que l’établissement public territorial Est Ensemble a, dans le cadre du traité de concession d’aménagement signé le 15 novembre 2018, confié à la SOREQA la mission d’assurer le traitement de l’habitat dégradé dans le quartier des Quatre Chemins à Pantin. Cette décision précise que la préemption a pour but de traiter les situations d’habitat indigne des bâtiments A et B de la parcelle située 46 avenue Jean Jaurès par une opération de recyclage foncier permettant la réalisation, après démolition et reconstruction des bâtiments, d’une opération portant sur 11 logements sociaux et un local d’activités, soit 646 m² de surface de plancher pour le logement et 57 m² à usage de commerces. Ainsi, la décision de préemption justifie de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement entrant dans le cadre de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme et en fait apparaître la nature. Elle répond, par suite, à l’exigence de motivation renforcée prévue par les dispositions rappelées aux points 5 et 6 précitées et n’est pas insuffisamment motivée » (CAA Versailles, 24 juin 2022, Soreqa, req. n° 20VE02238).

Aire logistique liée à l’activité des puces : « 6. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et comme l’ont relevé les premiers juges, que plusieurs études urbaines réalisées de février 2003 à avril 2004, puis reprises en mars et en septembre 2014, ont notamment été consacrées aux possibilités d’implanter une « aire logistique liée à l’activité des puces » sur le secteur visé par le présent litige, en vue d’améliorer la logistique du marché aux puces. Par une délibération du 29 septembre 2014, le conseil municipal de la commune a décidé la création d’un périmètre d’étude dans le secteur délimité par la rue des Rosiers, la rue Louis Dain et l’impasse Simon en précisant que « l’amélioration et la valorisation de ce secteur constituent un enjeu important en termes de recomposition urbaine qui nécessite de définir des orientations d’aménagement ». L’étude urbaine réalisée dans ce cadre, menée conjointement par la société du Grand Paris, l’agglomération de Plaine-Commune et la commune de Saint-Ouen et rendue le 15 janvier 2015, a notamment pour objectif de « confirmer la pertinence de la réalisation d’un site logistique et sa possible cohabitation au sein d’un programme mixte » et envisage un scénario d’évolution du périmètre qui prévoit la mise en œuvre, rue des Rosiers, d’un programme d’une centaine de logements et le développement de commerces en rez-de-chaussée, l’installation d’un équipement dédié à la petite enfance à l’angle de la rue des Rosiers et de la rue Louis-Dain, la réalisation d’un programme de bureaux de 3 300 m² et d’un site logistique (stockage et ateliers) de 1 500 m² en cœur d’îlot accessible depuis la rue Louis-Dain, ainsi que l’élargissement des rues Louis Dain et des Rosiers. Par ailleurs, il est constant que la commune est déjà propriétaire de plusieurs parcelles nécessaires à la mise en œuvre du projet et notamment des parcelles situées 82, et 86-88 rue des Rosiers. Ainsi, la commune de Saint-Ouen-sur-Seine justifie, à la date de la décision de préemption attaquée du 9 septembre 2019, de la réalité d’un projet d’aménagement d’une base logistique pour l’activité pucière répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’avaient pas été définies à cette date. Le moyen tiré de l’absence de réalité du projet d’aménagement préexistant à l’exercice du droit de préemption de la commune doit donc être écarté » (CAA Paris, 7 juillet 2022, commune de Saint-Ouen-sur-Seine, req. n° 21PA04896).

Construction de logements : « Il ressort des termes de la décision attaquée que son auteur s’est fondé sur la nécessité pour la commune de construire 69 logement dont 30 % de logements sociaux sur la période 2013-2025, sur la circonstance qu’un projet de constructions de logements était déjà envisagé sur la parcelle voisine pour former un ensemble foncier de 24 000 m2, situé à proximité de la gare, des groupes scolaires et d’une crèche municipale et destiné à accueillir la construction de 200 logements collectifs et 100 logements individuels. La décision litigieuse fait état d’une étude de faisabilité réalisée le 30 mars 2018 par un cabinet d’architectes et d’une délibération du 19 mars 2018 de la commission d’urbanisme « approuvant le projet de préemption ». Ainsi, la commune du Perray-en-Yvelines justifiait, à la date de la décision de préemption, d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme. Les circonstances que la parcelle en cause, classée en zone Ui, ferait partie d’une zone dans laquelle les auteurs du plan local d’urbanisme souhaitent préserver les espaces naturels ouverts et que l’étude de faisabilité n’aurait pas « reçu de validation » sont sans influence sur la réalité d’un projet entrant dans le champ de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme à la date de la préemption litigieuse. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait illégale faute de justification d’un tel projet à la date à laquelle elle est intervenue doit être écarté » (CAA Versailles, 28 avril 2022, commune du Perray-en-Yvelines, req. n° 20VE02051).

Benoît Jorion
Avocat à la Cour d’appel de Paris
Spécialiste en droit public