Absence de prise en compte de la plus-value réalisée par l’expropriant en revendant les biens expropriés.
Pour déterminer l’indemnisation due à l’occasion d’une expropriation, un exproprié a fait valoir qu’il devait être tenu compte de la plus-value que l’expropriant devait réaliser en revendant les biens expropriés. Il s’agissait ainsi, en se fondant sur la convention européenne des droits de l’homme, de tenter d’appliquer le principe d’indemnisation de la plus-value manquée applicable lorsque l’objet de l’expropriation n’a pas été réalisé (CEDH, 2 juillet 2002, Motais de Narbonne) à une hypothèse ou l’objet de l’expropriation était précisément de revendre le bien exproprié et de réaliser une plus-value à cette occasion.
Naturellement, la Cour de cassation ne pouvait examiner la légalité de la déclaration d’utilité publique à l’occasion du contrôle de l’indemnisation accordée. Elle rejette le moyen tenant à une atteinte alléguée à un principe de proportionnalité « permettant notamment à l’expropriant de réaliser à son détriment une plus-value très importante lors de la revente du bien exproprié ».
La Cour de cassation rejette un tel moyen en posant que : « 5. La cour d’appel, devant qui il n’était pas contesté que les biens expropriés avaient été revendus pour la réalisation du projet déclaré d’utilité publique, a retenu, d’une part, que la plus-value, que devaient générer ces ventes en raison de l’opération d’utilité publique conduite par l’expropriant, n’avait pas à être prise en compte pour déterminer l’indemnité réparant la dépossession, ce dont il résultait que l’indemnité de « privation de plus-value » revendiquée par les expropriés n’était pas en lien direct avec le préjudice résultant de la dépossession, qui seul pouvait être indemnisé par le juge de l’expropriation, d’autre part, que l’indemnisation était en rapport avec la valeur du bien exproprié, enfin, que la valorisation de leurs biens avait été faite sur la base d’éléments de comparaison portant sur des biens comparables.6. Dès lors, elle n’était pas tenue de procéder à un contrôle inopérant relatif à l’atteinte disproportionnée au droit au respect des biens des consorts [B], qui résulterait de la plus-value bénéficiant à l’expropriant lors de la revente des parcelles » (Civ. 3eme, 2 mars 2022, SPL Territoire d’innovation, pourv. n° 20-17.133, publié au bulletin).
Benoît Jorion
Avocat à la Cour d’appel de Paris
Spécialiste en droit public